A l’approche des tornades en vadrouille sur la prairie à la recherche de bisons stratosphériques et de lapins aux révolvers faciles à la gâchette en chocolat, le soleil disparait derrière le museau d’un chat violet enivré de sweet potatoes, je prends une dernière tétée avant la nuit et les lapins blancs au regard de locomotive désertique. Je suis prête à vous conter ce très spécial, ce très unique, ce très rond et très chaud, brûlant, passionnant, terrestre, crépusculaire cinquantième post.
Et comme une histoire de train commence toujours par quelque élément introductif, ça se passe en cuisine. Le kid emmène des petits pots à travers le continent, mais mes parents semblent vouloir emmener quelque chose d’un peu plus doux. Donc la veille du départ j’ai aidé maman à préparer une fournée de muffins pour le long, l’écarquillé, le matinal, le vert et blanc, le nocturne voyage en train vers San Francisco.
La veille du départ, Cécile a débarqué de Paris via Détroit. Nous étions, tous les quatre, presque prêts à partir vers l’océan, vers l’ouest.
Samedi matin, 31 mai, tôt le matin, il fait déjà jour, et il est tôt. Vraiment tôt. On charge la voiture, parce que ce train, il est très spécial. Et comme tous les trains très spéciaux, il ne s’arrête pas souvent. Il faut donc aller le prendre à Denver. 6h18, on prend déjà des photos sur la route.
Le front range est éclairé de face. Bonjour les montagnes, bonjour la prairie, bonjour le siège auto. Maman photographie, je dors, papa boit du café, Cécile profite du jet lag. La voiture avance par la volonté de quelqu’un.
On commence par rater un bus, débarquer, rembarquer, rouler, vite, quatre voies, cinq voies, LoDo, Denver, quelques tours, une sortie, attention à gauche, redémarre, droite, droite, gauche, droite. Union station. 7h42. On ne ratera pas le train. On est dans la gare. Ca y est, on va monter dans ce train. Je me réveille. Même après tout ce trajet, il est toujours tôt. Drôle de journée. Ca commence par beaucoup de tôt et du soleil sur la route.
Cécile récupère son billet. On n’a jamais vu autant de monde dans la gare. C’est un peu la fête. Tout le monde est là pour prendre place à bord du California Zephyr. Rien de moins que ça. Il est toujours tôt.
On attend, les passagers venus de l’est débarquent avec oreillers et bagages. On attend encore un peu. La poussette est confortable pour somnoler. C’est notre tour de monter à bord. Gwendolyn nous accueille à bord de la voiture 521. On monte, ce qui ne me surprend pas le moins du monde. Je n’ai pris le train qu’une fois, très tôt un matin de novembre, j’avais un mois. Il n’y avait pas d’étage dans ce train. J’en déduis donc que le train roule sur des rails, qu’il faut se lever tôt le matin pour monter à bord et qu’il y parfois un étage. Là on une petite cabine pour nous. On peut s’y asseoir et aussi s’y allonger. Cette fois, c’est parti. Nous prenons la direction de l’ouest et je prends enfin mon premier repas de la journée. Il est un peu moins tôt.
La vitre teintée de notre petite cabine donne des drôles de couleurs aux montagnes. Denver se réveille.
Le train nous fait passer dans des endroits de Denver qu’on ne soupçonnait même pas. Doucement. D’autre trains, plus de rails, une rivière, des lofts, des mobil homes, une autoroute, des pavillons, des pêcheurs, des voitures abandonnées, des arrières de motels, des enclos, des ranchs, un silo. Un grand.
Et le train commence l’ascension des montagnes rocheuses. Ce train qu’on voit un peu plus bas est un train chargé de gros cailloux qui reste là tout le temps pour protéger les autres trains du vent qui peut souffler très très très fort sur les foothills et qui a djà renverser quelques trains dans cette courbe. C’est pas un rigolo le vent dans ce coin du continent. Les tornades peuvent être aussi dures que le soleil, et les trains peuvent toujours danser à la lune.
On monte, on frôle quelques canyons vertigineux et on longe des rivières chargées de neige pressée de rejoindre la golfe du Mexique après ce long hiver. Nous voilà dans une vallée où un petit village fut construit pour les ouvriers qui ont construit un tunnel dans la montagne. Il leur a fallu plusieurs années pour percer.
On est passé au wagon café. On y a rejoint Cécile, et je fais aussi des rencontres. D’autres kids avec des cheveux et des accents étranges sont montés à bord du train. Très, très drôle. La vue défile. Splendide.
Quelque part, non loin du rocky mountain national park, je suis allée faire une petite sieste et le train a rejoint les rives de la Colorado river. Haute, la mythique rivière file sur les plateaux.
Et s’encaisse un peu, laissant tout juste la place à un train qui transporte quelques cow-boys en manque d’air salé et quelques trappeurs en mal de désert. Il y aussi des freaks, des retraités, des chasseurs de primes, des éleveurs, des joueurs de poker, des amischs qui portent des nikes, des mormons au gin tonic, des conteurs en route vers un mobil home posé derrière une station service, des dames qui rêvent de champagne, des geeks qui rêvent en hexadécimal et même Cécile qui essaie de se rappeler comment elle s’est retrouvée face à ce paysage qui défile.
Parfois la montagne devient rouge. Vas-y prend une photo ou quatorze !
Il semble bien que mes parents soient drôlement épatés. En ce qui me concerne, tout ça ne vaut pas un petit pot après la sieste, et puis un bon livre en norvégien pour me faire les dents. Formidable, non ?
Mes parents et Cécile aussi ont mangé, au wagon restaurant, à l’étage du train, service à table et la vue imprenable. Un vrai voyage transcontinental.
Glenwood Springs. Quinze minutes d’arrêt, voilà notre train vu d’en haut et toujours l’impressionnante Colorado.
Le train est redescendu des hauts plateaux et file maintenant vers Grand Junction et l’Utah. La voie ferrée suit la I 70 et s’arrête un petit peu à Grand Junction. La gare est à vendre. Elle est belle, ça intéresse quelqu’un ?
Pour la fin de journée, on s’est tous installés dans le wagon panoramique. Des fenêtres partout et les fauteuils orientés pour bien en profiter. Vous faites ce que vous voulez les filles, mais pour le kid, c’est l’heure du goûter.
Et on loge la Colorado au crépuscule. Quelque part, sur le haut de ces plateaux, il y a des arches et des chevaux qui se promènent.
Marrant, non ?
Encore de l’eau et du courant et de la lumière et des plateaux et des rochers en formes de courbes et creux.
Plus tard, papa arrête de photographier et tout ce paysage qui défile et toute cette lumière qui nous écarquille, ça nous laisse songeur et on rêve tous les 2 dans un train en route vers l’ouest. Loin de Budapest.
Après le canyon de la Colorado, on aborde le vaste Utah désertique et monomaniaque : le sage brush et le sable.
Toute cette plaine, ça nous réveille, et je vole dans le wagon panoramique, en direction de maman et l’appareil photo, en direction des fenêtres et des derniers rayons de soleil, en direction du désert de sel et des cow-boys astronautes.
Green River, Utah. Tout un poème. Une station service abandonnée, saisie in extremis alors que le train file vers des contrées plus prospères. Il y a là aussi des motels et une sortie de l’autoroute. On passe.
Et puis c’est le diner dans le wagon restaurant. Toujours le désert et le jour qui n’en fini pas d’éclairer un peu plus le paysage. Finalement, la nuit vient aux alentours du centre de l’Utah et notre cabine s’est transformé en cockpit de couchage. Un en bas, un en haut et le kid doit trouver une place. Devinez ? En bas, avec maman, qui dort là où je lui laisse un peu d’espace une fois que j’ai bien pris place pour dormir. Je dors bien, papa dort bien, maman dort quand elle peut. A travers cette nuit, le train s’arrête à Salt Lake City. Peut-être que j’en rêve à côté d’un tapis rose peuplé de lapins et de bouteilles d’eau vides.
Réveil sur le Nevada. Gris, désertique, froid.
Heureusement, le petit déjeuner est très appétissant et on oublie presque le (non) goût du café noir. Il est une heure plus tôt, c’est Pacific time. L’ouest, toujours plus à l’ouest.
Finalement, le ciel se dégage et le Nevada et toujours aussi vide, parsemé ici et là de quelques mobil homes et d’une I 80 où filent les camions Target et Wal-Mart.
Notre cockpit est repassé en position assise et je m’installe pour jouer. Vous savez moi et les paysages… Tant qu’il y a des trucs à secouer et à manger.
Et puis, c’est le vrai, le dur, le brûlant, le pâle, le lumineux, l’horizontal désert de sable blanc. Le train file, notre cabine scintille, c’est devenu une capsule solaire plongeant vers l’océan.
Aussi brutalement qu’il est apparu, ce désert laisse place à la verdure d’une vallée. La Californie approche.
Et c’est la sierra Navada. A nouveau la montagne, les lacs, la vie, toujours la I 80 et de notre wagon panoramique, on en prend plein la vue.
Tout va bien. Pique nique aux premières loges pour le kid et sa famille. Je chante une chanson pour tout le monde présent.
Mes parents essaient de me calmer avec du chocolat. Et ça marche. Comment ça du chocolat ? Comment tu le sais ?
Sacramento. Point mythique sur la vaste carte du far west. Ville d’or et d’argent, de diligences et de pony express, de train et saloons aux miroirs venus de l’océan. Il fait chaud, on approche de niveau de la mer.
Bientôt on commence à longer la baie. Ce lieu magnifique où San Francisco décida de s’installer.
On la longe, à l’arrière des villas et des motels. On suit un yacht en vadrouille. On approche et on s’arrête. Le train n’entre pas dans San Francisco. Il nous laisse à Emeryville. Nous finirons en bus.
Et c’est donc dans un car Amtrak que nous traversons la baie pour notre ultime ligne droite qui termine ce périple ferroviaire.
La voilà la ville. Derrière la vitre teintée et en contre jour, mais quand même, c’est bien elle et on file sur le pont. Ce n’est plus qu’une question de minutes.
Voilà le pont sur lequel on vient de passer. Le chauffeur fait quelques détours par des hôtels en échange de pourboires. Et finalement il nous laisse là où notre billet dit qu’il doit nous laisser. Presque arrivés nous sommes. Que nous pensons.
En fait, ce n’est pas loin, mais c’est beaucoup plus haut. Pour terminer nous partons donc à l’ascension de 6 blocs, dont les 3 derniers sont vraiment très raides. Poussette, couches, bodys, petits pots, jouets, tapis, turbulette et tout le toutim. On monte doucement.
Mes parents et Cécile sont épuisés quand on arrive à l’hôtel. Je suis assez reposée.
Mais on est tous contents, la chambre est bien, en plein centre, il y a une vue.
Et des lits pour installer mon tapis et mes jouets. Que demander de plus.
Voilà l’ultime but de ce voyage en train long de 1400 miles et un peu plus de 36 heures : un grand lit avec des jouets… à San Francisco.
Dans les jours qui ont suivi, on a tous passé un super séjour à San Franciso. Il a fait beau, le ciel était clair et il y a eu des stations service.
C’était glamour.
Et on a rencontré des super stars en pleine séance photo sur le golden gate bridge.
Et tous les détails les plus croustillants vous seront contés dans le prochain post, avec quelques photos à l’appui et un peu du vent de l’océan.
jeudi 12 juin 2008
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2 commentaires:
D'abord pour une fois que j'y pense JOyeux mensuversaire Petite Alice.
Quel beau voyage vous avez fait. Encore merci pour ces belles photos et les commentaires.
Gros gros bisous
Isabelle
Ouaf !! Comme ce devait être beau et comme tu as de la chance .
Et puis j'y pense il y a un mois nous fêtions ton mensuversaire à Durango...Comme le temps passe alors un bon neuvième mensuversaire avec plein de baisers et beaucoup de gâteau pour Maman et Papa
Le Papie moustachu et la Mamie "cuicui"
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